ISO9001:2015 – Comprendre le contexte
Introduction
Comprendre le contexte de l’organisation n’est pas nouveau, elle a souvent fait partie de l’activité implicite de l’auditeur, mais cet élément est maintenant requis dans la nouvelle version des normes. Il existe plusieurs discussions sur le sujet dans les réseaux sociaux, les rencontres professionnelles et les conférences, mais du point de vue de l’organisation ISO, un système efficace de gestion de la qualité doit être en accord avec la direction stratégique. Le contexte est donc un des éléments fondamentaux pour définir la portée du SGQ.
Si vous ne savez pas le point de départ de votre journée, il sera difficile d’arriver à destination.
Je propose dans cet article quelques moyens pratiques pour définir, suivre et revoir le contexte d’une organisation. Ces moyens seront aussi présentés dans un contexte d’affaires, langage commun utilisé par les gestionnaires de tous types d’organisation.
Pourquoi comprendre le contexte dans ISO9001
En fait, le concept de contexte est un défi continu, car il veut dire différentes choses pour chacun de nous. C’est un concept complètement ouvert à l’interprétation et la porter des facteurs peut être large. Dans une approche éthique et transparente, l’analyse du contexte doit le plus possible être appuyée sur des faits, des données fiables et reconnue. C’est cette base qui permettra d’avoir un portrait crédible de la situation pour une organisation. L’idée ici est qu’une organisation doit comprendre les changements en continu dans son environnement externe et interne.
L’exemple classique de ceci est l’analyse de marché et marketing que l’on retrouve dans un plan d’affaires ou un plan de transition d’entreprise. Le défi pour les organisations est que seulement 30% environ des organisations ont en mains un plan d’affaires et ce parfois maintenu a jours.
La philosophie ici est, si l’on a pas une prise de conscience claire et structurée en fonction de sa réalité du marché et de ses capacités, une organisation ne peut pas planifier efficacement les besoins d’affaires actuels et futurs.
Ceci demande aussi que les organisations tiennent compte des facteurs négatifs (risques) et des facteurs positifs (opportunités).
Les exigences de la Norme ISO 9001 Clause 4.1
La norme ISO spécifie que :
L’organisme doit déterminer les enjeux externes et internes pertinents par rapport à sa finalité et son orientation stratégique, et qui influe sur sa capacité à atteindre le ou les résultats attendus de son système de management de la qualité.
L’organisme doit surveiller et revoir les informations relatives à ces enjeux externes et internes.
NOTE 1
Les enjeux peuvent comprendre des facteurs positifs et négatifs ou des conditions, à prendre en considération.
La notion ici des facteurs positifs et négatifs est en lien direct avec le concept de risques et d’opportunités, élément obligatoire de la norme à la clause 6.1. Dans l’exemple plus bas, cet élément est traité dans la matrice de maturité.
NOTE 2
La compréhension du contexte externe peut être facilitée par la prise en compte des enjeux découlant de l’environnement juridique, technologique, concurrentiel, commercial, culturel, social et économique, qu’il soit international
Ici on fait référence à l’analyse du PESTEL et de la concurrence pour établir les facteurs significatifs des menaces et opportunités. Dans le contexte de SGQ, il est important d’identifier ces facteurs.
NOTE 3
La compréhension du contexte interne peut être facilitée par la prise en compte des enjeux liés aux a la culture, aux connaissances et la performance de l’organisme.
Cette note a ses limites, mais il s’agit de comprendre, la vision, la mission, la culture et principalement la capacité opérationnelle des processus clés pour en déterminer les forces et faiblesses.
J’ai traité ce processus global dans l’article Les risques
Comment analyser les éléments internes et externes
Même si l’on retrouve des notes comme guide dans le texte de la norme, le défi reste entier. Comment établir un processus, un modèle ou une méthodologie pour identifier les facteurs et les informations pertinentes.
Il est illogique de mettre en place un SGQ sans avoir au préalable compris le contexte de l’organisation ainsi que les besoins et attentes des parties intéressées.
C’est avec ses deux éléments qu’il est alors possible de revoir la portée de votre enregistrement ISO. Au moment d’un audit de certification, l’auditeur doit revalider la portée du SGQ. Aussi, l’extrant de l’analyse du contexte servira ensuite à l’analyse des risques et opportunités.
Il existe plusieurs méthodes et moyens pour identifier les éléments internes et externes. Ceci dépendra du temps, des ressources et des compétences disponibles. C’est pourquoi je propose de partager certains moyens et outils d’analyses que l’on retrouve souvent extraits des pratiques d’affaires à partir du modèle suivant. Ces moyens sont aussi applicables pour la planification stratégique de la qualité.
LE MODELÉ DU PESTEL (MACRO-ENVIRONNEMENT)
Ce modèle est l’un des plus connus en gestion. C’est une structure qui permet de revoir de façon macro les grandes tendances de l’environnement externe de l’organisation. Par exemple, les analyses de marketing et les plans d’affaires contiennent systématiquement ce type d’analyses.
La plupart du temps, ces informations sont basées sur des données secondaires disponibles publiques. Il est fortement préconisé d’y inclure des données primaires valides lorsque celles-ci sont disponibles afin de renforcir les résultats. Les données peuvent provenir de différentes sources comme des rapports statistiques annuels, analyse de tendances, prédictions, prévisions, déclaration effectuées par des experts, etc.
La question que l’on veut répondre est : lesquels de ces facteurs sont les plus importants à l’heure actuelle ? Et dans les années futures ?
Ce que l’on observe chez les gestionnaires, c’est une connaissance intuitive et partielle de ces informations, souvent biaisées et imprécises. Une analyse plus rigoureuse basée sur des données de sources fiables permet de mieux comprendre le contexte réel.
ANALYSE DE LA CONCURRENCE
Ce modèle a plusieurs rôles dont le plus important est de comprendre les impacts externes stratégiques des concurrents. Ensuite, ces informations aide à faire l’analyse de parties intéressées (clause 4.2) externes et de préciser les protocoles de communication. (clause 7.4 et 8.2.1). Cette analyse est valide seulement dans une organisation stable. Dans un mode de réorganisation, il est important de regarder plutôt les impacts de l’innovation ou de la gestion de changement.
La combinaison de ces 2 analyses sert à déterminer le positionnement stratégique de l’organisation en fonction des menaces et opportunités.
LE MODELÉ 7S
Ce modèle propose l’analyse interne des éléments intangibles de l’organisation ou l’on retrouve certains de ces éléments dans les normes. L’objectif ici est de comprendre les valeurs partagées par tous et non celle imposée par un style particulier de gestion d’un dirigeant.
On cherchera ici à comprendre la stratégie, l’organisation des systèmes de gestion, la structure organisationnelle, les compétences clés, les ressources humaines et les styles de gestion en fonction du contexte.
LA CHAINE DE VALEUR
Dans l’application de la norme, la compréhension de la chaine de valeur est l’élément du contexte interne le plus important. Il est composé des processus clés opérationnels de l’organisation et correspond aux exigences de la clause 8 des normes.
Ce sujet a été traité en détail dans l’article Approche processus
Le résultat de l’analyse interne va permettre d’identifier les forces et faiblesses de l’organisation.
LE SWOT et le TOWS
Ce modèle est une représentation graphique des interactions des éléments externes et internes. Le but de cet outil est de consolider les éléments clés, de les organiser de manière à déterminer les actions à mettre en place pour augmenter la capacité stratégique pour l’application du SGQ et favoriser les facteurs clés de succès de l’organisation.
Les actions d’améliorations identifiées dans cette analyse sont le résultat de la volonté de la direction d’utiliser le SGQ pour réduire les risques d’affaires de l’organisation.
Le TOWS est un autre moyen d’exprimer les actions stratégiques en comparant les facteurs clés de succès et la capacité stratégique. Cette matrice définit les aspects du contexte qui influencent l’organisation. Elle fournit des informations sur l’élaboration des politiques et l’établissement des objectifs stratégiques (qualité, environnement, énergie, sécurité, sécurité, etc.) du système de gestion.
L’image ci-dessous illustre ce moyen.
Ces politiques et objectifs d’éléments clés ainsi que l’engagement dans l’amélioration continue est exprimé dans un document, communiquer et disponible aux parties intéressées. Les objectifs qui découlent de la politique doivent être SMART. Le résultat de cette matrice est souvent générateur des projets d’améliorations.
MATRICE DE MATURITÉ
Le résultat de ces analyses peut être assemblé sous un seul tableau qui servira par la suite, à évaluer les risques et les opportunités. Les grandes organisations ont souvent en place ce type de tableau. Pour en inspirer le contenu, la norme ISO9004 propose un modèle de maturité. D’autres peuvent aussi choisir au Québec d’évaluer ces éléments selon le Qualtimètre (Malcolm Baldrige National Quality Award) du MQQ (les grands prix du Mouvement québécois de la qualité), Deming Prize, de modèle de certains clients, etc.
Ce tableau est un exemple de moyen souvent utilisé parmi d’autres pour présenter les résultats aux parties intéressées. Ce tableau est organisé en grands thèmes et en catégories. Il est important d’y inclure dans la catégorie interne, l’analyse des forces et des faiblesses de chaque processus clé opérationnel (clause 8), sans oublier celui de la chaine d’approvisionnement et des sources externes. Un autre élément important aujourd’hui est l’aspect des infrastructures avec une attention particulière aux systèmes d’information. Pour chaque catégorie, un certain nombre de facteurs y seront identifiés. Ensuite, les risques peuvent être évalués en termes de probabilité d’évènement et d’impact. Le résultat permet alors de prioriser les risques et les actions à entreprendre.
Ce que l’auditeur cherchera à savoir
Certains auditeurs ne sont pas toujours à l’aise avec ce nouveau concept sauf dans le cas de ceux qui ont une formation de gestion des affaires comme un MBA.
La question typique de l’auditeur sera : pouvez-vous me parler à propos du contexte de votre organisation ?
L’auditeur cherchera à comprendre les écarts entre les processus d’affaires et ceux de la gestion de la qualité et ce, par partir de l’orientation stratégique et de l’intégration cohérente de la planification des activités. Les extrants de ce processus sont définis comme des problèmes réels ou potentiels internes et externes. C’est sur cette base que les risques et opportunités peuvent être évalués.
Il s’agit donc d’un regard plus large sur le développement du système de gestion et de ses processus. Il n’y a pas d’exigences pour documenter le contexte, mais sans information documentée, il sera difficile de démontrer la suite et la cohérence du SGQ. L’auditeur doit être capable de conclure que les pratiques et les informations sont appropriées, suivies et revues, par exemple lors de la revue de direction. Lors de ces revues de direction, un élément qui sera revu est le retour d’information des parties intéressées concernant le contexte, les risques et opportunistes.
Il faut garder en tête que c’est de la responsabilité de l’organisation et son privilège de faire une analyse détaillée et des moyens à mettre en place, pas celui de l’auditeur.
Conclusion
Comprendre le contexte d’une organisation est clairement fondamental. Il est important à partir de différents moyens et outils de travail, de développer sa propre méthodologie et l’adapter aux besoins de l’organisation. La plupart des organisations qui ont un plan d’affaires structuré et à jour vont inclure ces analyses. Dans le plan stratégique d’affaires, on y retrouve plusieurs rubriques, dont une analyse de marché et de marketing, financière, des opérations, des ressources humaines, par exemple. Avec les nouvelles versions des normes, il est maintenant logique d’y ajouter celui de la gestion stratégique de la qualité. Je crois qu’il est assez clair de comprendre l’importance d’intégrer les processus du SGQ avec ceux des processus d’affaires. Comme toute analyse , ce n’est pas une fin en soi, mais le fait de bien définir le contexte pour la gestion de la qualité et de l’intégrer aux processus stratégiques d’affaires aidera l’organisation à être plus performante.
La qualité ne sera plus vue comme une obligation isolée ou comme une activité de dépense, mais bien comme un élément de base à valeur ajoutée. Un des défis avec cette approche sera de former les acteurs de la qualité avec une approche stratégique intégrée. L’accompagnement de spécialiste sera certainement un élément à prendre en compte pour certains.
Références
- Norme ISO9000 :2015
- Norme ISO9001 :2015
- Blog, Defining Context, NQA
- IAF, ISO9001 Auditing Practice Group Guidance on Context, iso.org/tc176/iso9001Auditing PracticesGroup, Jan 2016
- John E West, C.harles A CianFrani, Managing the system, Quality Progress, Aout 2014
- Dan Reid, Putting Things in Context, Quality progress, Dec 2015